La préemption urbaine et l'information environnementale

Publié le par Rémi

Lorsque les Communes préemptent des biens immobiliers, il leur revient de se renseigner par elles-mêmes sur l’état de pollution des terrains. C’est la conclusion qu’il faut retenir d’un arrêt de la Cour de cassation qui limite l’obligation d’information environnementale mise à la charge du vendeur dans ce cas particulier de mutation (Cass. Civ. 7 nov. 2012, Ville d’Amiens c/ SCI, n° 11-22.907, publié au bulletin).

Des parties privées avaient signé un compromis de vente d’un terrain auquel était annexé un rapport de diagnostic environnemental qui montrait des pollutions de sols aux hydrocarbures. Le bien étant situé sur une zone soumise à préemption urbaine, le vendeur avait alors effectué la déclaration d’intention d’aliéner exigée par l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, et la Commune avait exercé son droit de préemption.

Ayant découvert la pollution alors que la vente était devenue définitive à son profit, la Commune a refusé de signer l’acte de vente. Le vendeur a alors assigné celle-ci afin de voir constater la réalisation de la vente et obliger la Commune à régler le prix prévu dans la déclaration d’intention d’aliéner, demandes auxquelles le Tribunal de Grande Instance puis la Cour d’appel d’Amiens ont fait droit (TGI Amiens, 20 sept. 2010 ; CA Amiens, 26 mai 2011, Ville d’Amiens c. SCI, n° 10/052556).

La Commune critiquait donc cette solution devant la Cour de cassation, et demandait la réduction du prix et la réparation de son préjudice lié à la pollution des sols en invoquant la commission par le vendeur d’une réticence dolosive et en se prévalant de la garantie des vices cachés. Il était donc demandé à la Cour de cassation de préciser la teneur de l’obligation d’information environnementale du vendeur d’un bien immobilier à l’égard de la Commune lors de l’exercice par celle-ci de son droit de préemption.

Confirmant la décision d’appel, la troisième chambre civile répond d’abord qu'aucune obligation n'imposait au vendeur d'annexer à la déclaration d'intention d'aliéner les informations environnementales échangées dans le cadre de la promesse initiale. Dès lors, aucune réticence dolosive ni aucun vice caché ne peut être retenu à l’encontre du vendeur puisque la Commune s’est contentée des documents transmis, sans solliciter du notaire des parties la convention initiale ni ses annexes.

Il est intéressant de revenir sur les motifs adoptés par la Cour d’appel d’Amiens. Celle-ci avait en effet qualifié la Commune d’ « acquéreur professionnel ». Elle avait précisé que cette notion ne suppose pas que l'activité principale de l'intéressé soit en relation avec le négoce immobilier, mais que l'acquéreur professionnel s'entend de celui qui se procure la chose dans l'exercice de son activité pour les besoins de celle-ci, soit pour la céder à son tour soit pour l'intégrer dans la réalisation d'un ouvrage confié à un constructeur. Or la Commune qui exerce son droit de préemption le fait dans le cadre d'opérations d'aménagement entrant dans le champ de ses activités.

A ce titre, la Cour d’appel avait considéré que la Commune disposait, en raison de ses compétences d’aménagement, de services immobiliers spécialisés ainsi que de l'assistance des services également spécialisés de l'Etat tels que le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et la Direction Régionale de l’Environnement (DRIRE). Dès lors, sa connaissance de la pollution des sols sur son propre territoire ne saurait avoir échappé à ces services, professionnels de l'immobilier.

L’arrêt de la Cour de cassation, qui ne contredit pas ces motifs de la Cour d’Appel, doit inciter les Communes à la plus grande vigilance sur l’état de pollution des terrains qu’elles entendent préempter. On remarque en effet que la procédure de préemption ne présente pas de garanties formelles en termes d’information sur le bien vendu. En particulier, le formulaire réglementaire de déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est relativement succinct et ne prévoit aucune information environnementale pas plus d’ailleurs que d’information sur les servitudes et autres « passifs » pouvant grever le bien.

Les Communes ont donc intérêt, dans le court délai qui leur est imparti pour faire connaître leur décision de préemption, à se renseigner auprès des services de l’Etat sur les risques environnementaux des biens concernés. L’arrêt rapporté les invite en outre à ne pas se satisfaire des informations contenues dans la DIA et à réclamer auprès du vendeur ou de son notaire l’ensemble des informations environnementales qui ont pu être données dans le cadre de la promesse initiale de vente et de ses annexes.

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